Transplantation cardiaque
Un des avantages en se créant une telle collection est d'avoir la possibilité de porter une montre différente à chaque jour. On peut ainsi choisir une montre selon l'humeur du matin, ou qui s'adapte bien aux activités anticipées plus tard dans la journée.
Un des désavantages de se fier aux montres usagées comme garde-temps fonctionnels est le danger de bris. Après tout, ces vieilles mécaniques souffrent elles aussi de l'usure du temps, ce qui explique pourquoi, comme une automobile, les montres doivent être entretenues et révisées périodiquement.
Jusqu'à maintenant, j'ai été relativement chanceux. Même si j'ai un petit cimetière de montres hors-service dans mon atelier, toutes les montres dans ma collection sont fonctionnelles et gardent leur temps de façon raisonnable. C'est quand même étonnant de constater que la plupart ont plus d'un-demi siècle d'âge et fonctionnent encore. Tout va bien, jusqu'à ce qu'une des pièces, usée par des décennies de travail assidu, décide de rendre l'âme!
C'est ce qui m'est arrivé avec une petite montre fabriquée par la marque américaine Westclox. Je l'avais trouvée en ligne et vu son état, elle était offerte à un prix très raisonnable. Voici la photo de la montre à son arrivée chez moi :
La montre est question, avec un verre craquelé de façon importante. Photo : François Cartier |
Comme on le voit sur la photo, les barrettes (qui tiennent le bracelet en place) sont couvertes de crasse et de vert-de-gris. Les barrettes sont faciles à changer et le boitier peut être poli sans trop d'efforts. Pour le verre, on installait de l'acrylique sur la plupart des montres peu dispendieuses de cette époque. Ce genre de plastique est facile à endommager, mais il peut se restaurer si on sait comment faire. Pour cela, j'utilise un simple bloc à manucure vendu en pharmacie. Il suffit de polir le verre assez vigoureusement pour en amoindrir l'épaisseur et enlever la couche qui contient les fissures. Au début, on a l'impression de faire plus de mal que de bien, car le verre prend une apparence laiteuse. Toutefois, avec l'application d'une crème de polissage pour plastique (soit du Polywatch ou du Novus), il est possible de redonner une belle apparence à la montre.
Le Westclox, avant et après un nettoyage et polissage du verre. Photo : François Cartier |
D'ordinaire, il suffit de tourner la couronne une quinzaine de fois avant de sentir une certaine résistance. Ceci signifie que le ressort est presque totalement remonté. Mais cette fois-ci, je remontais et remontais sans rien sentir de tel... en plus du "clac" inquiétant. La cause était évidente : un ressort-moteur ("mainspring" en anglais) brisé. Ce ressort est le coeur de la montre, la source d'énergie sans laquelle elle ne peut tout simplement pas fonctionner.
J'ai démonté une partie du mouvement pour sortir le ressort-moteur. En l'ouvrant, la cassure dans le ressort était bien apparente. Au fil des ans, le métal s'affaiblit et finit par céder.
Le ressort brisé à l'intérieur de son boitier. Photo : François Cartier |
Coup de chance, un détaillant en ligne vendait exactement le même mouvement. En général, les mouvements Westclox ne sont pas très faciles à trouver. En plus, le vendeur était au Canada, ce qui signifiait un délai plus court pour l'envoi postal. J'ai donc reçu le petit mouvement après environ une semaine. le temps de la transplantation était arrivé!
La première étape consiste à ouvrir le dos de la montre pour avoir accès au mouvement. Ma Westclox a un dos vissé, alors il est facile d'enlever le dos avec le bon outil. À l'intérieur du boitier, un petit anneau de métal, qui aide à tenir le mouvement en place, doit aussi être enlevé.
Le mouvement de la montre, avec à gauche le dos de la montre et l'anneau qui tient le mouvement en place. Photo : François Cartier |
Une fois le pont retiré, on peut maintenant voir le barillet du ressort-moteur. Dans l'image ci-dessous, il s'agit de la grosse roue dentelée qui est près du bas du mouvement. Le pont que je viens de retirer se trouve juste à côté.
Photo : François Cartier |
Photo : François Cartier |
Photo : François Cartier |
On entre alors dans la partie délicate de cette opération, c'est à dire de retirer le barillet fonctionnel du mouvement que j'ai acheté et l'insérer dans ma Westclox. Dans l'image ci-dessous, on voit à droite le mouvement de ma montre sans son barillet. À ses côtés se trouve le mouvement sacrificiel qui va bientôt faire don de son barillet.
Photo : François Cartier |
Photo : François Cartier |
Voici donc l'histoire de ma première transplantation cardiaque! J'ai déjà remplacé des mouvements au complet, une opération qui est relativement simple. C'est un peu comme changer le moteur V8 de votre vieille minoune pour un autre identique. Mais dans ce cas-ci, j'ai opté pour le don d'organe. Un autre patient de sauvé!
P.S. : en général, tant qu'à démonter une partie du mouvement et à changer une pièce, on en profite pour tout démonter et nettoyer l'ensemble du mouvement. Je ne suis pas encore arrivé à cette étape dans mes essais horlogers. De plus, il faut se procurer le bon équipement pour se faire. Ça viendra sûrement, un jour...
P.P.S. : avant qu'on me le dise, je sais aussi qu'il n'est pas idéal de travailler sur un montre en utilisant une petite serviette comme je l'ai fait. De la poussière ou des fibres peuvent s'en dégager et aller se loger dans le mouvement. Il faut vraiment que je m'équipe!!
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