Les micro-marques, c'est quoi?
L’avènement du numérique et du web a transformé le monde de multiples façons. À l’heure du tout connecté, notre réalité nous met en contact plus que jamais avec une quantité quasi illimitée d’informations. C’est aussi cette nouvelle réalité qui a commencé à changer la façon dont nous achetons nos montres.La Wayfarer II de la compagnie américaine Mercer. Photo : François Cartier |
Les célèbres fabricants de montres comme Seiko, Citizen, Timex, Longines ou Omega sont plus présents que jamais. Mais à leur côté se trouve aujourd’hui une multitude de marques nouvellement apparues dans le monde de la montre-bracelet. De nouveaux joueurs comme la Cincinnati Watch Company, Jack Mason, Undone, Weiss, Martenero, Shinola ou Mercer Watch Company ont tous été fondés dans les années 2010 aux États-Unis. On assiste au même phénomène ailleurs dans le monde avec des marques comme Aevig, Farer Watches, Straton, Helgray, Draken Watches, Melbourne Watch Company, Vario, Vstelle ou Nezumi Studios. Il s’agit en fait d’un des secteurs de l’industrie horlogère qui connait la plus forte croissance.
La plupart offrent des modèles d’entrée et de milieu de gamme et se retrouvent majoritairement sur des vitrines virtuelles. Cette catégorie de produits représente une adaptation du marché aux goûts de plusieurs consommateurs qui magasinent leurs garde-temps sur Internet. Ils ne veulent pas dépenser une fortune pour leur montre, mais cherchent néanmoins un objet de qualité à porter au quotidien. Ces nouvelles « micro-marques » profitent donc à plein de l’explosion du commerce en ligne propre au début du 21e siècle, tant avec leurs boutiques web qu’avec leur présence sur les médias sociaux comme Facebook ou Instagram.
Cette Vario est inspirée des montres de tranchées de la Première Guerre mondiale. Photo : François Cartier |
Avec l'avènement d'Internet, ces marques ont donc pu distribuer des montres directement aux consommateurs dans le cadre du commerce électronique, sans assumer les frais qu’on associe aux maques établies, comme les points de vente au détail, les budgets marketing et autres coûts associés.
La micro-marque est donc une petite entreprise qui est généralement gérée que par une seule personne, ou à la limite une petite équipe d’enthousiastes. On peut les comparer aux jeunes pousses (les fameuses « startups ») dans le domaine des technologies. Elle ne fabrique pas ses propres montres. Une fois la phase du design terminée, la fabrication de prototypes est confiée à un intervenant externe. Le plus souvent, il s’agit de manufactures chinoises qui produisent les montres selon les spécifications du propriétaire de la micro-marque. Les mouvements, au quartz ou mécaniques, viennent des stocks de firmes spécialisées, comme Seiko et Miyota (propriété de Citizen) au Japon ou Seagull en Chine.
Le NH35 de Seiko est problement un des mouvements les plus utilisés dans les micro-marques. Source : https://calibercorner.com/seiko-caliber-nh35a |
Un des avantages de ces marques indépendantes est le coût. La plupart se vendent à des prix très concurrentiels, souvent bien en deçà de montres équivalentes de marques établies. Dans les montres de moyenne et haut de gamme, comme Hamilton ou Tissot par exemple, le nom de la compagnie ajoute souvent un certain « premium » au prix de vente.
J’ai récemment acheté une Revelot. Il s’agit d’une entreprise née en 2017 et basée à Kuala Lumpur en Malaisie. Le modèle que je me suis procuré est la Universal. C’est une montre dont le design est inspiré de la célèbre Polerouter, un modèle classique de la marque Universal Genève et conçu en 1954 par le célèbre designer Gerald Genta. Ce dernier est connu comme le « Fabergé des montres ». On lui doit des modèles célèbres comme la Nautilus de Patek Philippe, la Constellio d'Omega ou la Royal Oak d'Audemars Piguet.
La Universal est une montre aux qualités intéressante : un boitier en acier inoxydable, un mouvement au quartz fabriqué par Seiko (une variante mécanique était aussi offerte), un bracelet en cuir, un verre saphir avec enduit anti-reflet, un cadran texturé au motif de "clous de paris" et des appliques luminescents suisses sur les aiguilles. Le modèle est proposé en plusieurs variantes. J’ai choisi la version « Tuxedo », un style classique de montre habillée dont les origines remontent aux années 1920. Il est caractérisé par un cadran où se trouve un ou plusieurs cercles concentriques de couleurs contrastantes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une Rolex, pour 135$ CAN (en prévente), il s’agit d’un très bon rapport qualité-prix.
Mais comment est-ce qu’un entrepreneur réussit à financer la fabrication et la mise en marché d’une montre à partir de rien ? Plusieurs se tournent vers des plates-formes de sociofinancement (typiques de l’ère du numérique !) comme Indiegogo ou Kickstarter. Le public peut soutenir financièrement la production d’un nouveau modèle. En retour, le consommateur reçoit un rabais appréciable sur le futur prix de vente de la montre qu’il choisit de commanditer.
Un exemple de montre financée par le biais de Kickstarter Source : www.kickstarter.com |
Plus qu’un épisode anecdotique dans l’histoire de la montre au 21e siècle, l’exemple d’une plate-forme de sociofinancement Kickstarter montre comment le Web contribue à changer la façon avec laquelle l’offre horlogère fait son chemin jusqu’aux consommateurs. Entre 2011 et 2016, les jeunes marques horlogères amassent près de 87 millions de dollars US en contributions « sociales » venant de plus de 250,000 consommateurs (incluant un total de $3,5 millions provenant du Canada). Sur Kickstarter, les amateurs dépensent en moyenne 275$ par montre. Leur prix suggère qu’il s’agit en général de montres de bonne qualité.
Infographie : François Cartier |
Ce secteur des ventes horlogères attire même l’attention des observateurs du milieu financier. Le géant Bloomberg, spécialiste de l’information économique et financière, relève la montée spectaculaire des micro-marques : « (…) depuis leur création, ces opérations individuelles ont mis à profit l'accès à une fabrication mondiale de montres moins coûteuse et à un modèle de vente en ligne directe aux consommateurs qui a sapé le monde traditionnel de la vente au détail de montres. »
Infographie : François Cartier |
Il s’agit donc là d’une façon intéressante de se procurer de nouveaux modèles de montres qui, pour se démarquer du lot, proposent souvent des idées et des formes nouvelles. Et dans un marché de la montre-bracelet souvent sursaturé de modèles génériques, la diversité des options offerte par les micro-marques est la bienvenue.
Comme pour tout type de bien de consommation, il faut toutefois demeurer prudent. Tous les projets de sociofinancement ne sont pas nécessairement couronnés de succès. Si le montant nécessaire au financement n’est pas atteint, le projet n’aboutira pas, ce qui peut être décevant, tant pour les bailleurs de fonds que pour les créateurs. Bien que notre mise de fonds soit remboursable, il est essentiel d’évaluer soigneusement un projet avant de s’engager à le soutenir. Il faut évaluer la crédibilité du créateur, la faisabilité du projet, de même que le type de garantie offerte sur la montre (deux ans est souvent le standard à rechercher). Lorsque possible, il est aussi recommandé d’examiner les avis des internautes, notamment en ce qui concerne le service à la clientèle.
Photo : François Cartier |
Il faut noter que même pour un projet financé, l’acheteur devra attendre plusieurs mois avant que la montre soit manufacturée, vérifiée et livrée, car la production matérielle ne commence que lorsque le financement est garanti.
La ligne du temps de financement et de production de la Pioneer de la marque Vstelle. Source : www.kickstarter.com |
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