Aucun message portant le libellé Horlogerie. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Horlogerie. Afficher tous les messages

vendredi 27 octobre 2023

 

Les micro-marques, c'est quoi?

L’avènement du numérique et du web a transformé le monde de multiples façons. À l’heure du tout connecté, notre réalité nous met en contact plus que jamais avec une quantité quasi illimitée d’informations. C’est aussi cette nouvelle réalité qui a commencé à changer la façon dont nous achetons nos montres. 

La Wayfarer II de la compagnie américaine Mercer.
Photo : François Cartier

Les célèbres fabricants de montres comme Seiko, Citizen, Timex, Longines ou Omega sont plus présents que jamais. Mais à leur côté se trouve aujourd’hui une multitude de marques nouvellement apparues dans le monde de la montre-bracelet. De nouveaux joueurs comme la Cincinnati Watch Company, Jack Mason, Undone, Weiss, Martenero, Shinola ou Mercer Watch Company ont tous été fondés dans les années 2010 aux États-Unis. On assiste au même phénomène ailleurs dans le monde avec des marques comme Aevig, Farer Watches, Straton, Helgray, Draken Watches, Melbourne Watch Company, Vario, Vstelle ou Nezumi Studios. Il s’agit en fait d’un des secteurs de l’industrie horlogère qui connait la plus forte croissance

La plupart offrent des modèles d’entrée et de milieu de gamme et se retrouvent majoritairement sur des vitrines virtuelles. Cette catégorie de produits représente une adaptation du marché aux goûts de plusieurs consommateurs qui magasinent leurs garde-temps sur Internet. Ils ne veulent pas dépenser une fortune pour leur montre, mais cherchent néanmoins un objet de qualité à porter au quotidien. Ces nouvelles « micro-marques » profitent donc à plein de l’explosion du commerce en ligne propre au début du 21e siècle, tant avec leurs boutiques web qu’avec leur présence sur les médias sociaux comme Facebook ou Instagram. 

Cette Vario est inspirée des montres de tranchées de la Première Guerre mondiale.
Photo : François Cartier

 Avec l'avènement d'Internet, ces marques ont donc pu distribuer des montres directement aux consommateurs dans le cadre du commerce électronique, sans assumer les frais qu’on associe aux maques établies, comme les points de vente au détail, les budgets marketing et autres coûts associés. 

La micro-marque est donc une petite entreprise qui est généralement gérée que par une seule personne, ou à la limite une petite équipe d’enthousiastes. On peut les comparer aux jeunes pousses (les fameuses « startups ») dans le domaine des technologies. Elle ne fabrique pas ses propres montres. Une fois la phase du design terminée, la fabrication de prototypes est confiée à un intervenant externe. Le plus souvent, il s’agit de manufactures chinoises qui produisent les montres selon les spécifications du propriétaire de la micro-marque. Les mouvements, au quartz ou mécaniques, viennent des stocks de firmes spécialisées, comme Seiko et Miyota (propriété de Citizen) au Japon ou Seagull en Chine. 

Le NH35 de Seiko est problement un des mouvements
les plus utilisés dans les micro-marques.
Source : https://calibercorner.com/seiko-caliber-nh35a
Un des avantages de ces marques indépendantes est le coût. La plupart se vendent à des prix très concurrentiels, souvent bien en deçà de montres équivalentes de marques établies. Dans les montres de moyenne et haut de gamme, comme Hamilton ou Tissot par exemple, le nom de la compagnie ajoute souvent un certain « premium » au prix de vente. 



J’ai récemment acheté une Revelot. Il s’agit d’une entreprise née en 2017 et basée à Kuala Lumpur en Malaisie. Le modèle que je me suis procuré est la Universal. C’est une montre dont le design est inspiré de la célèbre Polerouter, un modèle classique de la marque Universal Genève et conçu en 1954 par le célèbre designer Gerald Genta. Ce dernier est connu comme le « Fabergé des montres ». On lui doit des modèles célèbres comme la Nautilus de Patek Philippe, la Constellio d'Omega ou la Royal Oak d'Audemars Piguet.

Photo : François Cartier

La Universal est une montre aux qualités intéressante : un boitier en acier inoxydable, un mouvement au quartz fabriqué par Seiko (une variante mécanique était aussi offerte), un bracelet en cuir, un verre saphir avec enduit anti-reflet, un cadran texturé au motif de "clous de paris" et des appliques luminescents suisses sur les aiguilles. Le modèle est proposé en plusieurs variantes. J’ai choisi la version « Tuxedo », un style classique de montre habillée dont les origines remontent aux années 1920. Il est caractérisé par un cadran où se trouve un ou plusieurs cercles concentriques de couleurs contrastantes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une Rolex, pour 135$ CAN (en prévente), il s’agit d’un très bon rapport qualité-prix. 

Mais comment est-ce qu’un entrepreneur réussit à financer la fabrication et la mise en marché d’une montre à partir de rien ? Plusieurs se tournent vers des plates-formes de sociofinancement (typiques de l’ère du numérique !) comme Indiegogo ou Kickstarter. Le public peut soutenir financièrement la production d’un nouveau modèle. En retour, le consommateur reçoit un rabais appréciable sur le futur prix de vente de la montre qu’il choisit de commanditer. 

Un exemple de montre financée par le biais de Kickstarter
Source : www.kickstarter.com

Plus qu’un épisode anecdotique dans l’histoire de la montre au 21e siècle, l’exemple d’une plate-forme de sociofinancement Kickstarter montre comment le Web contribue à changer la façon avec laquelle l’offre horlogère fait son chemin jusqu’aux consommateurs. Entre 2011 et 2016, les jeunes marques horlogères amassent près de 87 millions de dollars US en contributions « sociales » venant de plus de 250,000 consommateurs (incluant un total de $3,5 millions provenant du Canada). Sur Kickstarter, les amateurs dépensent en moyenne 275$ par montre. Leur prix suggère qu’il s’agit en général de montres de bonne qualité. 

Infographie : François Cartier

Ce secteur des ventes horlogères attire même l’attention des observateurs du milieu financier. Le géant Bloomberg, spécialiste de l’information économique et financière, relève la montée spectaculaire des micro-marques : « (…) depuis leur création, ces opérations individuelles ont mis à profit l'accès à une fabrication mondiale de montres moins coûteuse et à un modèle de vente en ligne directe aux consommateurs qui a sapé le monde traditionnel de la vente au détail de montres. » 

Infographie : François Cartier

Il s’agit donc là d’une façon intéressante de se procurer de nouveaux modèles de montres qui, pour se démarquer du lot, proposent souvent des idées et des formes nouvelles. Et dans un marché de la montre-bracelet souvent sursaturé de modèles génériques, la diversité des options offerte par les micro-marques est la bienvenue. 

Comme pour tout type de bien de consommation, il faut toutefois demeurer prudent. Tous les projets de sociofinancement ne sont pas nécessairement couronnés de succès. Si le montant nécessaire au financement n’est pas atteint, le projet n’aboutira pas, ce qui peut être décevant, tant pour les bailleurs de fonds que pour les créateurs. Bien que notre mise de fonds soit remboursable, il est essentiel d’évaluer soigneusement un projet avant de s’engager à le soutenir. Il faut évaluer la crédibilité du créateur, la faisabilité du projet, de même que le type de garantie offerte sur la montre (deux ans est souvent le standard à rechercher). Lorsque possible, il est aussi recommandé d’examiner les avis des internautes, notamment en ce qui concerne le service à la clientèle. 

Photo : François Cartier

Il faut noter que même pour un projet financé, l’acheteur devra attendre plusieurs mois avant que la montre soit manufacturée, vérifiée et livrée, car la production matérielle ne commence que lorsque le financement est garanti. 

La ligne du temps de financement et de production 
de la Pioneer de la marque Vstelle.
Source : www.kickstarter.com

Mais en fin de compte, acheter une montre issue d’une micro-marque vous assurera de posséder un produit que peu de gens posséderons dans votre entourage. Bien que certains ne jureront que par les marques bien établies, d’autres aimeront cette exclusivité !

--------------------------------



dimanche 2 août 2020

Transplantation cardiaque

Avec une collection de montres vintage, uns des plaisirs est de rassembler plusieurs modèles selon vos goûts et vos moyens. Avec l'offre sur le marché gris (eBay, Etsy ou même Kijiji et Marketplace), un collectionneur peut se constituer un bel ensemble de montres. Certains vont privilégier des modèles provenant d'une époque en particulier, d'autres vont viser un style précis (montre habillée, à chronographe, de plongée, etc.) ou vont se limiter à leur marque fétiche (comme quelqu'un qui ne collectionne que des Seiko, par exemple).

Un des avantages en se créant une telle collection est d'avoir la possibilité de porter une montre différente à chaque jour. On peut ainsi choisir une montre selon l'humeur du matin, ou qui s'adapte bien aux activités anticipées plus tard dans la journée.

Un des désavantages de se fier aux montres usagées comme garde-temps fonctionnels est le danger de bris. Après tout, ces vieilles mécaniques souffrent elles aussi de l'usure du temps, ce qui explique pourquoi, comme une automobile, les montres doivent être entretenues et révisées périodiquement.

Jusqu'à maintenant, j'ai été relativement chanceux. Même si j'ai un petit cimetière de montres hors-service dans mon atelier, toutes les montres dans ma collection sont fonctionnelles et gardent leur temps de façon raisonnable. C'est quand même étonnant de constater que la plupart ont plus d'un-demi siècle d'âge et fonctionnent encore. Tout va bien,  jusqu'à ce qu'une des pièces, usée par des décennies de travail assidu, décide de rendre l'âme!

C'est ce qui m'est arrivé avec une petite montre fabriquée par la marque américaine Westclox. Je l'avais trouvée en ligne et vu son état, elle était offerte à un prix très raisonnable. Voici la photo de la montre à son arrivée chez moi :
La montre est question, avec un verre craquelé de façon importante.
Photo : François Cartier
Le verre était très abîmé. En plus, la montre était assez sale (je n'ai jamais compris pourquoi certains ne se donnent pas la peine de nettoyer les articles qu'ils mettent en vente!). Mais cela peut jouer à l'avantage de quelqu'un qui sait redonner belle allure à ces petites négligées.

Comme on le voit sur la photo, les barrettes (qui tiennent le bracelet en place) sont couvertes de crasse et de vert-de-gris. Les barrettes sont faciles à changer et le boitier peut être poli sans trop d'efforts. Pour le verre, on installait de l'acrylique sur la plupart des montres peu dispendieuses de cette époque. Ce genre de plastique est facile à endommager, mais il peut se restaurer si on sait comment faire. Pour cela, j'utilise un simple bloc à manucure vendu en pharmacie. Il suffit de polir le verre assez vigoureusement pour en amoindrir l'épaisseur et enlever la couche qui contient les fissures. Au début, on a l'impression de faire plus de mal que de bien, car le verre prend une apparence laiteuse. Toutefois, avec l'application d'une crème de polissage pour plastique (soit du Polywatch ou du Novus), il est possible de redonner une belle apparence à la montre.

Le Westclox, avant et après un nettoyage et polissage du verre.
Photo : François Cartier
J'étais donc assez fier de la restauration esthétique effectuée sur cette modeste petite montre. Ceci a expliqué ma déception quand un jour la montre s'est arrêtée après seulement quelques heures à mon poignet. J'ai d'abord cru ne pas l'avoir assez remontée. En tournant la couronne, on entendait bien le typique son du cliquet, ce petit cran d'arrêt qui empêche le ressort de se détendre lors du remontage. Mais le "cric-cric-cric" habituel du cliquet était suivi d'un "clac" assez suspect. Encore un essai. "Cric-cric-cric... clac".

D'ordinaire, il suffit de tourner la couronne une quinzaine de fois avant de sentir une certaine résistance. Ceci signifie que le ressort est presque totalement remonté. Mais cette fois-ci, je remontais et remontais sans rien sentir de tel... en plus du "clac" inquiétant. La cause était évidente : un ressort-moteur ("mainspring" en anglais) brisé. Ce ressort est le coeur de la montre, la source d'énergie sans laquelle elle ne peut tout simplement pas fonctionner.

J'ai démonté une partie du mouvement pour sortir le ressort-moteur. En l'ouvrant, la cassure dans le ressort était bien apparente. Au fil des ans, le métal s'affaiblit et finit par céder.

Le ressort brisé à l'intérieur de son boitier.
Photo : François Cartier
Il est toujours possible d'acheter juste le ruban constituant le ressort et de le rembobiner dans le barillet (le petit boitier circulaire qui renferme le ressort). Mais la solution la plus simple est de trouver un mouvement complet et de substituer le barillet problématique par un autre.

Coup de chance, un détaillant en ligne vendait exactement le même mouvement. En général,  les mouvements Westclox ne sont pas très faciles à trouver. En plus, le vendeur était au Canada, ce qui signifiait un délai plus court pour l'envoi postal. J'ai donc reçu le petit mouvement après environ une semaine. le temps de la transplantation était arrivé!

La première étape consiste à ouvrir le dos de la montre pour avoir accès au mouvement. Ma Westclox a un dos vissé, alors il est facile d'enlever le dos avec le bon outil. À l'intérieur du boitier, un petit anneau de métal, qui aide à tenir le mouvement en place, doit aussi être enlevé.

Le mouvement de la montre, avec à gauche le dos de la montre et l'anneau qui tient le mouvement en place.
Photo : François Cartier
Il faut ensuite accéder au barillet qui contient le ressort-moteur. Dans ce type de mouvement, il se trouve sous le pont du barillet. Dans les mouvements de montres, les ponts sont de petites plaques de métal qui sont vissées par-dessus les rouages et autres pièces mécaniques afin de les protéger. Un mouvement typique peut avoir plus d'un pont. Le mien en a deux. Celui du barillet est identifié ci-contre en rouge.

Une fois le pont retiré, on peut maintenant voir le barillet du ressort-moteur. Dans l'image ci-dessous, il s'agit de la grosse roue dentelée qui est près du bas du mouvement. Le pont que je viens de retirer se trouve juste à côté.

Photo : François Cartier
Il faut noter en passant que le barillet est généralement la plus grosse pièce dans la mécanique d'une montre. Néanmoins, il s'agit quand même d'un tout petit objet. La photo ci-dessous nous aide à mettre sa taille en perspective.

Photo : François Cartier
Une fois le pont enlevé, il est possible de sortir le barillet du mouvement. Bien qu'il aurait été préférable d'enlever l'autre pont et les rouages qui se trouvent au-dessus du barillet, il est possible de sortir ce dernier du mouvement en l'attrapant délicatement avec une paire de brucelles (petites pinces d'horloger). Le "coeur" de la montre est maintenant sorti de son emplacement.

Photo : François Cartier

On entre alors dans la partie délicate de cette opération, c'est à dire de retirer le barillet fonctionnel du mouvement que j'ai acheté et l'insérer dans ma Westclox. Dans l'image ci-dessous, on voit à droite le mouvement de ma montre sans son barillet. À ses côtés se trouve le mouvement sacrificiel qui va bientôt faire don de son barillet.

Photo : François Cartier
Une fois le nouveau barillet mis en place dans ma montre, il ne reste ensuite qu'à remettre le pont en place. Les vis sont minuscules, alors il faut toujours prévoir un petit contenant pour les y entreposer pendant le processus. Il n'y a rien de plus facile que de perdre une vis qui ne mesure que quelques millimètres! On voit ci-dessus une de mes paires de brucelles qui positionne la vis dans son trou.

Photo : François Cartier
L'ultime étape de cette transplantation consiste à vérifier si le nouveau coeur va permettre à ma montre de revivre. Or, après quelques tours du remontoir, ma Westclox se remet en marche. Mission accomplie! Ci-dessous, un petit clip du mouvement en action :


Voici donc l'histoire de ma première transplantation cardiaque! J'ai déjà remplacé des mouvements au complet, une opération qui est relativement simple. C'est un peu comme changer le moteur V8 de votre vieille minoune pour un autre identique. Mais dans ce cas-ci, j'ai opté pour le don d'organe. Un autre patient de sauvé!

P.S. : en général, tant qu'à démonter une partie du mouvement et à changer une pièce, on en profite pour tout démonter et nettoyer l'ensemble du mouvement. Je ne suis pas encore arrivé à cette étape dans mes essais horlogers. De plus, il faut se procurer le bon équipement pour se faire. Ça viendra sûrement, un jour...

P.P.S. : avant qu'on me le dise, je sais aussi qu'il n'est pas idéal de travailler sur un montre en utilisant une petite serviette comme je l'ai fait. De la poussière ou des fibres peuvent s'en dégager et aller se loger dans le mouvement. Il faut vraiment que je m'équipe!!

---------------------------------





dimanche 3 novembre 2019

Quatre horlogers anonymes!

J'ai depuis quelques temps une montre "vintage" de marque Waltham. C'est une montre à mouvement automatique que j'ai obtenue à bon prix et en très bon état. Elle venait avec un bracelet en métal doré, mais vu que je déteste les bracelets métalliques, je l'ai enlevé pour en mettre un en cuir brun. Après un peu de polissage et de nettoyage, elle avait l'air d'une neuve :

Photo François Cartier
Avant-hier, j'ai fait l'erreur de l'avoir au poignet alors que j'effectuais quelques travaux à l'extérieur. Des travaux... qui donnent chaud! Une fois revenu à l'intérieur, j'ai constaté qu'il y avait beaucoup de buée à l'intérieur du verre de la montre.

Je suis donc descendu dans mon petit atelier et j'ai vite vu que la buée était causée, comme je le pensais, par le dos du boitier qui était mal vissé. J'en ai donc profité pour ouvrir la montre, retirer le mouvement et bien nettoyer l'intérieur du verre. Je me suis dit que cela aiderait aussi à enlever l'humidité qui aurait pu s'accumuler dans le mouvement de la montre.

Photo François Cartier

Avant de remettre en place et visser le dos du boitier, j'en ai profité pour lui donner un petit polissage. C'est là que j'ai remarqué les inscriptions :

Photo François Cartier

En sortant ma loupe, j'ai pu en identifier quatre différentes :

Photo François Cartier

Photo François Cartier
Photo François Cartier

Photo François Cartier

On arrive très bien à les lire : "DP 11/72"; "SY 21 6 58"; "BK 10/96"; "14/1/70 DB". Je ne suis pas un Sherlock Holmes, mais il était évident qu'il s'agissait d'initiales et de dates. En fait, je voyais pour la première fois en personne un phénomène horloger bien intéressant : le marquage des dos de boitiers par les horlogers lors de l'entretien (ou la réparation) de montres. C'est un peu comme si votre mécano laissait ses initiales sur le bloc-moteur à chaque fois qu'il travaillait sur votre voiture.

Je ne pourrai probablement jamais retracer les horlogers qui ont travaillé sur mon montre. Mais ce phénomène n'est pas rare. En cherchant un peu sur le sujet, j'ai lu le témoignage d'un propriétaire d'une montre de poche ayant appartenu à ancien employé du Canadian Pacific qui possédait 35 marques de réparations, dont 33 faites par le même horloger!! En un sens, ces marques sont une merveilleuse façon de garder une trace de l'historique d'entretien d'une montre. En effet, pour les horlogers, c'était une bonne façon de garder une trace de leurs interventions, ou de savoir quand une montre inconnue avait été ouverte pour la dernière fois.

Dans le cas des compagnies de chemin de fer, la précisions des montres des cheminots était surveillée de très près. Un entretien était requis deux fois, et même quatre fois par mois pour s'assurer que les montres restaient précises à +/- 30 secondes par mois! En plus de garder une trace dans ses documents, l'horloger devait aussi laisser une marque dans la montre. On le voit bien dans le dos de cette montre Hamilton "Railway Special 992B" :

Sur cette photo du dos d'une montre de poche Hamilton, on voit 11 marques laissées par des horlogers au fil des ans.
Source : http://linuxfocus.org/~guido/hamilton-992b/

Certains collectionneurs, par contre, s'opposent à ce marquage et y voient plutôt une atteinte à l'intégrité matérielle de la montre. Une sorte de dommage volontaire qui affecte la valeur de la montre. C'est défendable. Tout dépend du point de vue!

Pour en revenir à ma petite Waltham, personnellement, je suis content d'y avoir vu ces marques. Premièrement parce que j'ai pu voir de mes yeux un exemple d'une tradition horlogère. Mais surtout, ceci m'a permis d'apprendre que ma montre avait été ouverte au moins quatre fois par un horloger : en en 1958, en 1970, en 1972 et en 1996. J'ai donc pu estimer que la date de fabrication de la montre se situe en quelque part dans les années 1950 (et donc plus ancienne que je ne le croyais). J'ai aussi vu qu'elle avait bien été entretenue, ce qui me permet d'espérer qu'elle continuera de fonctionner pendant encore plusieurs années, du moins jusqu'au prochain entretien dans son histoire... pour l'ajout d'une 5e marque!



dimanche 4 mars 2018

Des montres "Made in Québec" - Partie 1

Après un an de billets, j'ai parlé de plusieurs pays producteurs de montres : la Suisse, bien entendu, mais aussi des pays comme la France, l'Allemagne, les États-Unis, la Russie, le Japon ou la Chine. Je me suis récemment demandé : y a-t-il des producteurs de montres dans la Belle Province? Avons-nous, ici même, des montres "Made in Québec"?

Bien entendu, le Québec n'a pas de réelle tradition ou d'industrie horlogère, du moins pas dans le sens de ce qui se passe en Asie ou en Europe. Toutefois, j'étais curieux. Et grâce aux merveilles de Google et du web, j'ai trouvé quelques entreprises d'ici qui produisent des montres. Rien à voir avec Seiko, Bréguet ou Tissot, bien entendu. Mais quand même des produits de qualité issus d'ici! Voici donc, dans ce premier billet de deux, une présentation de trois de ces compagnies.

1. Anéda (www.anedatime.com)
Cette compagnie est basée à Varennes, à 30 minutes à l'est de Montréal. Le terme "Anéda" est dérivé de "Anneda", le nom donné à un arbre utilisé dans la pharmacopée des Amérindiens. Il s'agit de l'arbre à partir duquel un Iroquoien fabrique une infusion qui guérit le scorbut des hommes de Jacques Cartier qui hivernent en 1535-36 près de l'actuelle ville de Québec. L'arbre devient connu comme "l'Arbre de vie". Cartier en a même ramené en France en 1536. Il existe aujourd'hui différentes théories sur la réelle nature de l'Addena. Certains croient qu'il s'agit du cèdre blanc d'Amérique, alors que d'autres pensent plutôt qu'il s'agit de pruche du Canada, ou même de sapin baumier. Un livre a même écrit sur le sujet par l'historien québécois Jacques Mathieu.

Deux montres de la série "Compass" avec cadran en ébène et en bois de rose.
Source : www.anedatime.com
C'est pour rendre hommage à Cartier et aux explorateurs que ce nom fut adopté par la compagnie horlogère de Varennes. Dans la continuité de cette thématique, les cadrans les montres qu'ils proposent sont tous faits de différentes essences de bois : ébène, bois de rose, érable. Avec les variations dans le grain du bois, chaque montre est en quelque sorte unique. Le cadran affiche des chiffres surdimensionnés à 3, 6 et 9 heures. Le 12 de midi est remplacé par le "N" stylisé de la compagnie pour représenter le nord, un clin d'oeil au monde des explorateurs. Un guichet pour la date est situé à 3 heures. Les montres sont mues par un mouvement au quartz japonais (Miyota; très fiable) et disposent d'un verre saphir, le type plus désirable dans une montre. En deux mots, des montres bien jolies et bien conçues. Les montres semblent être unisexe, bien que leur diamètre de 44mm les place bien fermement dans la catégorie "messieurs". À noter en terminant que cette entreprise a pris son envol grâce à une campagne sur Kickstarter qui a permis d'amasser 10,696$ pour démarrer la production.


2. Konifer (www.koniferwatch.com)
Au Québec, il semble qu'on aime le bois. Après tout, c'est un élément distinctif de notre nature (avec la neige et les mouches noires)! Comme son nom le suggère, Konifer propose, comme Adéna, des montres faites en bois. Dans leur cas, la plupart de leurs modèles sont entièrement faits de bois : cadran, boitier et même le bracelet. Sinon, on retoruve différents agencements de métal et de bois. Leur attrait pour le bois ne se manifeste pas seulement dans leurs produits (ils vendent aussi des bagues, ceintures et bracelets), mais aussi dans leur engagement éco-responsable de faire planter un arbre pour chaque montre vendue via le projet WeForest.

La Konifer Karbon faite d'acier inoxydable et de zébrano (bois de zèbre).
Source : www.koniferwatch.com
Konifer, qui est basée à Saint-Jérôme dans les Laurentides, offre différents modèles, et ce autant pour les hommes que pour les femmes. Les essences de bois sont très variées, allant du bois de santal jusqu'à l'acajou, en passant par l'ébène et le zébrano (bois de zèbre). Les styles sont aussi variés. On retrouve par exemple des montres carrées (modèles Adirondak et Bahamas), des montres à chronographe (modèle Kronos) ou des montres surdimensionnées (les Karbon de 50mm de diamètre). Selon le modèle, les caractéristiques techniques diffèrent. Dans certains cas, peu de détails sont offerts sur le type de verre ou de mouvement. D'autres, comme la Karbon (image ci-haut), sont décrits de façon plus complète sur le site web de Konifer. Ce modèle est doté d'un verre saphir, d'un  mouvement au quartz Citizen et d'une résistance à l'eau de 50 mètres. Fait intéressant : une campagne Kickstarter a été lancée en 2016 pour financer le lancement de la Karbon. La campagne devait durer 35 jours. L'objectif a été atteint (et même dépassé) en seulement 9 heures! Comme quoi il existe chez les amateurs de montres des gens qui apprécient les pièces qui affichent clairement leur originalité!

3. Atelier (www.atelierwatches.com)
Nous quittons maintenant les forêts du Québec pour arriver en ville. Atelier offre des montres plus traditionnelles, d'inspiration résolument urbaine. En fait, Atelier produit des montres au look épuré, un style très populaire de nos jours. Pensons en effet à Daniel Wellington et à toutes ses émules. Atelier opte ainsi pour des montres sans artifices, avec des cadrans complète dénudés (sauf pour un modèle). Pas de dates, pas de marqueurs de minutes ou d'heures. Juste un aiguille pour les minutes et une autre pour les heures. La seule concession à la pureté du design est le nom de la compagnie dans la partie supérieure du cadran.

La montre d'Atelier, baptisée Canvas, dans toute sa simplicité.
Source : www.atelierwatches.com
La montre, déclinée deux finis (argentée et or rose), possède un diamètre de 40mm et une épaisseur de 7mm. Encore ici, cette montre minimaliste s'adresse tant aux hommes qu'aux dames. Elle est dotée d'un mouvement au quartz japonais mais n'a pas de réelle résistance à l'eau. Son prix plus modeste (69$ à 99$) laisse deviner des matériaux probablement plus humbles pour le boitier et le verre. Plus que les Anéda et Konifer, elle se veut une montre "tendance" stylée pour séduire les jeunes consommateurs. Mon seul bémol est que leur site est entièrement en anglais. Dommage pour une compagnie basée à Montréal.


Voilà donc pour un premier tour d'horizon de montres "Made in Québec"*. Dans un prochain billet, je vous présenterai une autre sélection de montres québécoises. De plus, je me réserve pour plus tard en 2018 quelques marques provenant d'ailleurs au Canada.

                                                                                                                          
* Je dis "Made in Québec", mais pour Anéda et Konifer, les montres sont fabriquées en Chine pour maintenir les prix de vente raisonnables. Je n'ai pu vérifier, mais il en est probablement de même pour Atelier.