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dimanche 22 avril 2018

Une trouvaille design 

Comme n'importe quel collectionneur, mes goûts évoluent et changent. Je regarde les premières montres que j'ai ajouté il y a deux ans à ma "Wish List" sur Amazon et honnêtement, je ne les achèterais plus aujourd'hui. Fini les grosses tocantes ostentatoires ou les montres que je décrirais comme "expérimentales". Un bel exemple de mes envies de l'époque est cette Projects "Reveal Time" :

Source : www.amazon.com
N'importe quel collectionneur vous dira que ses goûts changent. Plusieurs vous diront aussi que leur "territoire de jeu" se rapetisse au fil du temps. On devient plus sélectif, on choisit avec plus de circonspection. Personnellement, je n'ai pas encore atteint ce niveau de zénitude horlogère, mais j'y travaille!

Toutefois, je diversifie! Même si les montres demeurent l'objet central de mes intérêts, je commence aussi à lorgner du côté de leurs proches cousines, les horloges. Pour être plus précis, j'ai un réel béguin pour les horloges de type "vintage", produites un peu avant et après le milieu du 20e siècle. Et, ô bonheur, j'ai découvert un riche marché en ligne. Tant au niveau local (Kijiji) qu'international (eBay), les vendeurs sont nombreux et les prix somme toute raisonnables. 

J'ai acquis trois de ces horloges depuis cet hiver. Ma première a été une belle trouvaille. Trouvée chez un particulier de Montréal, cette horloge avait beaucoup plus d'histoire que je ne le soupçonnais originalement. Cette découverte est la "Sentinel Wafer" de la compagnie Ingraham, une horloge murale électrique de 7" de diamètre : 

Photo : François Cartier

Ingraham (plus précisément la E. Ingraham & Co.) est une importante compagnie horlogère des États-Unis. La compagnie est fondée en 1860 par Elias Ingraham (1805-1885). Lui-même associé à d'autres fabricants d'horloges avant cette date, c'est à Bristol au Connecticut qu'il installe son premier atelier. La Ingraham produit de nombreux types d'horloges pour ensuite diversifier son offre à partir de 1913 avec des montres à gousset. Elle produit ensuite ses premières montres-bracelet à partir de 1932. 

Une horloge avec boitier en chêne de la E. Ingraham & Co. datant de 1896.
Source : www.rubylane.com
Après avoir interrompu partiellement sa production pendant la Seconde Guerre mondiale pour soutenir l'effort de guerre, la Ingraham reprend ses activités horlogères et se concentre majoritairement dans les horloges électriques (qu'elle avait commencé à produire dans les années 1930). 

C'est du milieu du 20e siècle que nous vient la Wafer. Elle a vraisemblablement été produite dans les années 1940, soit pendant ou après la Seconde Guerre mondiale. Les autres modèles produits par la Ingraham sont fort jolis, mais cette horloge possède un look tout à fait spécial avec son boitier chromé, son cadran orné de cercles concentriques au milieu duquel trône le disque rouge surdimensionné de la trotteuse. Au final, l'allure fait moderne avec une touche d'art déco! Tout ceci explique en grande partie pourquoi cette horloge fait maintenant partie de ma collection. De surcroit, en cherchant davantage, j'ai découvert qu'elle avait été créée par Henry Dreyfuss (1904-1972). Pour le commun des mortels (moi inclus), ce nom ne dit pas grand chose. Mais si je vous montre ces deux autres de ses créations, peut-être vous sentirez-vous davantage en terrain connu :

Source : www.cooperhewitt.org
Source : www.cooperhewitt.org

La première image montre le thermostat Honeywell rond T86, créé par Dreyfuss en 1953. Il s'agit d'une de ses créations les plus célèbres. L'autre image est celle de son non moins célèbre téléphone modèle 302, un appareil qui sera l'un des plus utilisés aux États-Unis entre 1937 et 1955. 

Vous aurez donc deviné que Henry Dreyfuss est un designer industriel. Ses créations incluent des locomotives, aspirateurs, tracteurs, paquebots, édifices, dactylos, caméras et bien entendu des horloges. Il est aujourd'hui reconnu comme un des designers américains les plus influents du 20e siècle.

Henry Dreyfuss en 1946. On voit devant lui une maquette de la locomotive Hudson de la New York Central.
Source : www.oztypewriter.blogspot.ca
Le site web du Henry Ford Museum, une institution dédiée à l'innovation et l'ingénuité aux États-Unis, parle de l'horloge Wafer comme "un objet fondamental dans sa carrière. Créé à peu près en même temps que ses premiers téléphones, il marque sa maturation en tant que designer privilégiant les formes simples et accessibles. Il préfigure son design ultérieur de l'omniprésent thermostat rond Honeywell de 1953".

Ce n'est donc pas une surprise de voir cette horloge faire partie de la collection de différents musées, comme le Henry Ford Museum et le Brooklyn Museum. Et maintenant, cette petite horloge fait aussi partie de mon humble collection! Faute d'avoir un espace adéquat pour l'installer chez moi, elle se trouve dans mon bureau au travail. Je peux aussi vous garantir qu'elle garde l'heure d'une façon admirable!!

Photo : François Cartier

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P. S. : pour conclure notre histoire, la Ingraham Company a été achetée en 1967 par la McGraw-Edison, une  compagnie qui se spécialise dans les produits électriques. Ils produiraient toujours des horloges électriques de marque Ingraham.



dimanche 3 décembre 2017

Les types de montres 

La montre squelette, vous connaissez?

Dans de précédents billets, j'ai déjà décrit quelques types de montres, comme la montre à chronographe, la montre habillée, la montre journalière, etc. Ce sont des montres que vous avez sûrement déjà vu au poignet de personnes dans votre entourage. Peut-être en portez-vous une? Mais avez vous déjà vu une montre squelette? Non? Ça ressemble à ça :

La Altiplano de Piaget, la montre squelette la plus mince au monde (5.3mm).
Source : www.piaget.com
Une montre squelette est celle qui vous permet de voir, en tout ou en partie, le mécanisme interne de ladite montre (donc son "squelette"). Le cadran est souvent absent, en tout ou en partie, ou le dos de la montre peut être transparent (ou les deux). Il s'agit généralement de montres mécaniques, mais il peut arriver qu'une montre au quartz exhibe aussi une partie de son mécanisme, même si celui-ci est moins élaboré que celui d'une bonne tocante à ressort! 

Dans des montres squelette plus raffinées, comme la Piaget ci-dessus, le mécanisme est volontairement dépouillé. On réduit au minimum les pièces de soutien (comme les ponts) afin de rendre plus visibles les pièces mobiles (engrenages, balancier, etc.). Certaines montres d'exception auront même des pièces mécaniques gravées et décorées. C'est là l'occasion pour l'artisan horloger d'exprimer tout son art!

Un montre squelette Bréguet. On remarque les pièces en or qui sont ouvragées.
Source : www.wikipedia.com / By jcw (Own work) CC BY 3.0 via Wikimedia Commons
D'autres montres squelette plus modestes ne montrent qu'une partie du mécanisme. La plupart du temps, c'est le balancier qui est visible. On les nomme des montres open heart ("à coeur ouvert") car le balancier est effectivement le principal organe des montres mécaniques. Voici par exemple cette Orient Esteem :

La Orient Esteem, où le balancier est visible è 9 heures.
Photographie : François Cartier
Entre la montre totalement transparente et celle qui exhibe uniquement son coeur, les compagnies horlogères ont créé toute une série de variantes originales :

La Halograph de Xeric, où on voit deux balanciers.
Source : www.watches.com


La Rado Centrix.
Source : www.jomashop.com

Même pour les montres au quartz, on nous propose des modèles assez attrayants, comme la Bulova ci-dessous. Par contre, ne vous faites pas vendre une montre squelette à quelques dizaines de dollars. Il s'agit simplement de montres au quartz avec un cadran décoré de faux engrenages. 

La Bulova Accutron. On y voit les vraies pièces du mécanisme au quartz, sans artifices.
Source : www.yorktime.com

Une montre au quartz avec de faux engrenages, une perversion de la montre squelette authentique. Prix de détail : $1.05.
Source : www.alibaba.com
Les montres squelette sont donc abordables, mais il faut bien choisir pour ne pas s'acheter un pastiche fabriqué à la chaine. Il faut aussi avouer que tous n'aiment pas ce type de montre. Il s'agit d'un bel exercice de technique et de design, mais les montres squelette ne sont pas très pratiques. Pour bien montrer le mécanisme, on nous prive généralement d'un guichet où lire la date. De plus, les aiguilles pour lire l'heure sont souvent peu visibles devant tout ce fatras d'engrenages. 

Une question de goût, donc. Si le coeur vous en dit, voici un court clip qui montre comme des horlogers décorent leurs montres. Tout simplement magnifique!








samedi 12 août 2017

La montre de la semaine

La Max Bill de Junghans



Dans l'histoire, plusieurs designers de renom ont contribué à l'élaboration de produits manufacturés. Ce type de collaboration nous a amené des pièces parmi les plus emblématiques du desing au XXe siècle.

Par exemple, la compagnie Olivetti, surtout connue pour ses machines à écrire, collabore régulièrement avec des créateurs tels que Le Corbusier. La "Valentine" est une de leurs dactylos les plus connues, créée par le designer italien Ettore Sottass.





La Valentine de Olivetti, datant de 1969.
Source : https://italiandesignagency.com


Pour sa part, Alessi, un producteur italien de produits de cuisine, fait appel à l'architecte américain Michael Graves pour créer le design d'une bouilloire. Cette dernière devient rapidement une icône du design post-moderne et se vend encore aujourd'hui.

La bouilloire Michael Graves de Alessi. Cette création, datant de 1985
est devenue le meilleur vendeur de tous les produits Alessi!
Source : http://ca.complex.com/
Pour un dernier exemple, qui d'autre que le célèbre Philippe Starck. Ce dernier créé un grand nombre de produits pour le grand public, ce qu'il appelle le "design démocratique". Une de ses plus célèbres création est la chaise Louis Ghost, une chaise transparente en plastique inspirée de l'époque Louis XVI. 
La chaise Louis Ghost de Philippe Stark.
Source : http://boutique.deco-interieure.com
Tout ceci m'amène à ma montre de la semaine. Vous le devinez: il s'agit d'une montre créée par un designer de renom. Il en existe plusieurs dans l'histoire du XXe siècle, mais celle qui a retenu mon attention est devenue, un peu comme la chaise de Stark, une icône dans son domaine. 

Il s'agit de la montre Max Bill de la firme horlogère allemande Junghans. Max Bill (1908-1994) est originaire de Suisse. Il est architecte, artiste, peintre et designer. Il est un adepte du mouvement du Bahaus, qui privilégie entre autres la simplicité, les formes épurées et la fonctionnalité. En architecture, le Bahaus s'exprime dans le Style international (petite note personnelle : ma demeure, à Montréal, bien que modeste, est justement inspirée de ce mouvement).

Max Bill, vers la fin des années 1940.
Source : http://originalmaxbilljunghans.blogspot.ca
La compagnie Junghans possède un riche héritage. Fondée en 1861 par Erhard Junghans, la compagnie produit des montres-bracelet depuis 1926. Au cours des années 1950, Junghans désire s'associer avec un designer pour la création de ses pièces horologiques. Leur choix s'arrête sur Max Bill. Ce dernier, fasciné par le temps, accepte la proposition et inaugure son partenariat avec cette très belle horloge murale de cuisine datée de 1956 :

Source : Wikimedia commons / Christos Vittoratos

Cinq ans plus tard, Junghans lance une nouvelle série de montres créées par Max Bill. Mêlant style et simplicité, on les désigne comme de fidèles héritières de l'esthétique Bahaus. Chose certaine, elles affichent une apparence très typée, elle-même inspirée de la fameuse horloge de cuisine de 1956.

Un extrait du catalogue de la compagnie Junghans de 1962 où sont illustrées les montres Max Bill.
Source : http://originalmaxbilljunghans.blogspot.ca

Un lot de montres Max Bill de Junghans datant des années 1960.
Source : http://originalmaxbilljunghans.blogspot.ca
Avec le regain de popularité actuel du look "vintage", la Max Bill demeure très populaire encore aujourd'hui. Ceci est notamment dû au fait que Junghans a choisi de ne pas changer l'apparence de la Max Bill dans ses nouvelles itérations modernes, à preuve cette image de la Max Bill Silver Dial Ref. 3500 et la Max Bill Chronoscope, deux modèles disponibles de nos jours :

Source : http://wornandwound.com
Vu qu'il s'agit d'une montre de designer, son prix est assez salé. La version au quartz se détaille à un peu plus de $500 (US), tandis que la montre équipée d'un mouvement mécanique (automatique) est offerte à un peu moins de $1000 (US). Si la version à chronographe vous intéresse, attendez-vous à une facture de $1800!

Par contre, et heureusement pour ceux qui n'ont pas des fortunes à consacrer à ces belles montres, certaines compagnies horlogères proposent des modèles inspirés par les créations de Max Bill. Un bon exemple est la "Bahaus" de Junkers, une autre firme allemande (j'ai déjà parlé de Junkers et de sa "Iron Annie" dans un billet précédent). Comme Junghans, Junkers propose aussi des versions au quartz et automatiques de ses modèles Bahaus, mais à des prix moindres. Ainsi, la montre que vous voyez ci-dessous (mouvement au quartz) se détaille à $259 (US) :


La Bahaus de Junkers.
Source : www.longislandwatch.com
La ressemblance à la Max Bill est à s'y méprendre! Comme cette dernière, on y voit un cadran très épuré, le nom juste sous les 12 heures, de même que la très évidente vitre bombée. Seuls l'emblème de Junkers, juste en haut des 6 heures, et le guichet pour la date, viennent s'ajouter au design du cadran. Certains critiques reprochent à cette montre de montrer explicitement le terme "Bahaus" sur son cadran, ce qui selon eux est justement l'antithèse de la philosophie Bahaus! Selon moi, ceci ne diminue pas l'intérêt de cette montre. Le seul facteur qui me ferait pencher pour la plus onéreuse Max Bill est justement la riche histoire qui l'accompagne!


dimanche 25 juin 2017

La montre de la semaine

La Uno de Botta Designs : une aiguille, c'est tout ce qu'il faut!

Souvent, on trouve la beauté dans la simplicité. C'est ce qu'a dû se dire Klaus Botta, designer industriel allemand, lorsqu'il a développé en 1986 la UNO. Il s'agit de la première montre moderne qui ne possède qu'une seule aiguille. Oui, une seule aiguille pour dire le temps! Comment faire? Comme la montre, le principe est très simple, comme le montre cette image :

Source : www.botta-design.de/en/one-hand-watch/

Donc, l'unique aiguille fait un seul tour en vingt-quatre heures. Il suffit d'adapter légèrement notre façon de lire l'heure et le tour est joué! Historiquement, les premières horloges n'avaient qu'une seule aiguille. Pensons même aux cadrans solaires!


Bien entendu, il ne s'agit pas d'une montre pour les amateurs de grande précision. Bien que la montre garde fidèlement l'heure grâce à un mouvement suisse au quartz, elle décevra l'amateur qui règle sa journée à la seconde près! Sur le site de la compagnie, voici comment on explique le concept : It is one of the great paradoxes of the modern world: watches that are accurate to the nearest second turn us into clock-watching slaves. They tempt us to leave everything to the very last second – deadlines, meetings, transport connections. As a result, we feel stressed and obsessed about keeping everything under control rather than calm and relaxed. We have become used to making everything complicated – and have forgotten how to keep everything simple*.


La UNO24 Black Edition, une variation sur le modèle original.
Source : www.botta-design.de
Dès son lancement, la UNO remporte un grand succès, si bien que d'autres manufacturiers se sont mis à imiter le concept de la Botta. Au nombre des imitateurs : la Skagen Ancher SKW6193, la Squarestreet Minuteman et la Slow Jo 19 :

La Skagen Ancher, qui triche un peu avec un guichet
où sont écrites les heures et les demi-heures.
Source : http://sundaylife.jp/skagen/ancher
La Minuteman de Squarestreet.
Source : Pinterest

La Slow Jo 19. Remarquez comment le zéro (minuit) est en bas du cadran.
Source : www.slow-watches.com

Du nombre, la Skagen est la plus abordable à $159. La Botta UNO, pour sa part, de détaille entre $722 et plus de $1500 pour les modèles avec un mouvement automatique. Le design, faut-il croire, a un prix!

Mais si vous avez le portefeuille vraiment bien rempli, certaines grandes marques horlogères comme Breguet ou Vacheron Constantin proposent aussi des créations du même type (voir le premier des deux articles cités ci-dessous). On pense aussi à MeisterSinger, une autre marque allemande qui se spécialise dans les montres à une aiguille. Leur Modèle No.1, présenté en 2001, est très classique (et très réussi!) :

Source : www.timeandwatches.com


Pour voir d'autres modèles, je vous suggère ces deux articles disponibles en ligne. Le premier montre entre autres que certaines anciennes horloges situées sur les devants d'édifices européens n'avaient qu'une seule aiguille :

- http://www.timeandwatches.com/p/single-hand-timepieces-in-watchmaking.html

- http://www.uniquewatchguide.com/single-hand-watches/


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C'est l'un des grands paradoxes du monde moderne: les montres qui sont exactes à la seconde près nous transforment en esclaves du temps. Ces montres nous amènent à tout laisser à la toute dernière seconde : délais, réunions, horaires de transport. En conséquence, nous stressons en tentant de tout maintenir sous contrôle plutôt que de demeurer calmes et détendus. Nous nous sommes habitués à tout compliquer - et avons oublié comment tout simplifier.