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samedi 19 mai 2018

Des montres "Made in Quebec" - Partie 2

En mars dernier, je publiais un billet sur trois marques de montres québécoises : Konifer, Aneda et Atelier. Les deux premières produisent des montres partiellement faites en bois, des modèles généralement trop gros à mon avis, mais originaux quand même. Atelier est une autre "micro-marque" qui tente de profiter de l'engouement pour les montres minimalistes génériques. Vous pouvez consulter ce billet en cliquant ici

Aujourd'hui, je vous présente trois autres marques québécoises. Comme Atelier, ces trois entreprises proposent des montres au look minimaliste s'adressant à la clientèle des milléniaux. Elles s'ajoutent à une véritable constellation de micro-marques au niveau international qui proposent pas mal toutes la même chose : un boitier parfaitement rond et un cadran dénudé. Nos trois compagnies québécoises se démarquent-elles du lot?

1. Timexury

Timexury est un "bijoutier canadien offrant des montres et bracelets haut de gamme pour le gentleman avisé" (ma traduction; leur site est en anglais seulement...). Alors, ces montres?  Jugez par vous même :

Une image tirée du site de Timexury.
Source : www.timexury.com

Des jolies montres, mais très génériques, qui ne se distinguent pas du lot. Celles que l'on voit en bas de l'image sont d'ailleurs des clones de montres Daniel Wellington. Les prix varient entre 100$ et 150$. Les montres ont des boitiers en inox, des mouvement au quartz issus du Japon (Miyota), des verres minéraux endurcis et des bracelets en cuir (de qualité inconnue). Des composants honnêtes, donc, mais "haut de gamme"? Pas vraiment!


2. Invade Supply

Comme Timexury, Invade Supply est une marque qui offre des montres et bracelets de mode (et des bas) au design épuré destiné à une jeune clientèle. Ils n'offrent que quatre variations du même modèle unisexe. En voici un exemple :

Source : www.invadesupply.com

Pas laid. Rien d'autre sur le cadran que des marqueurs à midi, 3, 6 et 9 heures. Un guichet pour la date est la seule concession qui enlève au minimalisme. Les marqueurs sont de faux diamants carrés, un détail cliquant qui me rebute, mais qui en attirera peut-être d'autres. Les composantes de leurs montres sont similaires à celles de Timexury, ce qui explique pourquoi leurs produits sont dans la même fourchette de prix.


3. Metropol

Cette marque a été fondée par trois amis en 2015. Tout comme la marque Konifer, Metropol a créé un partenariat avec la We Forest, un organisme dont l'objectif est la reforestation dans les pays en voie de développement. Donc, pour chaque montre Metropol vendue, We Forest plante dix arbres. Lors de l'achat en ligne, le client a même le loisir de choisir l'endroit où seront plantés les arbres! 

Le centre-ville de Montréal en arrière-plan.
Source : www.facebook.com
J'ai malheureusement peu d'informations sur les montres elles-mêmes, car au moment d'écrire ces lignes, Metropol ne semble plus être en affaires. Leur site web, par exemple, n'est plus accessible. Leur fil de nouvelles Facebook n'a pas été alimenté depuis mars 2017. Idem pour leur site Instagram. Peut-être ont-ils succombé dans ce secteur du marché des montres tendance où la compétition est très grande. C'est dommage, car des trois marques présentées dans ce billet, c'est ma préférée, probablement à cause de son engagement écologique et du logo intéressant qu'on trouve sur le cadran :

Le modèle Mistaya, avec 39mm de diamètre.
Source : www.facebook.com
Les seules informations qu'on peut trouver sur leurs montres viennent de leurs anciennes publications laissées sur Facebook. On y lit que le boitier est fait d'inox et que la montre possède un verre saphir. Le bracelet est en cuir italien. Chaque modèle se détaille à 190$, une facture plus élevée qui est probablement justifiée en partie par le saphir et le bracelet en cuir de qualité. 

Des trois marques présentées ici, les montres Metropol sont donc celles qui s'approchent plus de montres "haut de gamme", même si nous sommes encore très loin de ce qui est reconnu comme des montres de luxe dans le monde horloger. Dommage qu'ils aient fermé boutique!

Bonus

Comme petit bonus, j'ai décidé porter à votre attention les montres proposées par Caroline Néron. Comédienne puis entrepreneure, Mme Néron a ouvert ses propres boutiques et propose différents produits de mode (bijoux, cosmétiques, sacs, lunettes de soleil, etc.), incluant des montres. L'offre horlogère est surprenamment diversifiée, avec des montres à chronographe, des modèles plus vintage avec des verres en forme de dôme, et bien entendu, plusieurs modèles minimalistes.

Source : www.carolineneron.com

Encore ici, les caractéristiques habituelles : mouvement au quartz japonais, verre minéral, boitier en inox. Les prix sont plus élevés : entre 200$ et 400$. Comme quoi les "griffes" que l'ont met sur les montres ont effectivement un impact certain sur leur valeur! 

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P. S. : à noter que je n'ai pas mentionné dans ce billet les différentes créations horlogères de nature plus "artistique. Voir par exemple les montres émaillés de Diane Balit, qui sont très mignonnes.

lundi 2 octobre 2017

Les types de montres

Les montres à complications

À quoi sert une montre? À donner l'heure, bien entendu! Depuis les premières montres à gousset de la Renaissance, jusqu'aux plus récentes créations des grandes maisons horlogères, la montre a toujours eu comme fonction première d'être un instrument permettant de "garder le temps". 

Toutefois, un peu comme nos téléphones intelligents qui font bien plus que permettre de passer un appel, les horlogers et artisans ont vite été tentés de montrer leur savoir-faire en ajoutant à la montre des "complications". En horlogerie, le terme "complication" fait référence à tout ajout de fonction à une montre (en dehors de l'affichage des heures, minutes et secondes). 

Une montre avec une complication assez simple : un chronographe.
Source : François Cartier
De façon indirecte, j'ai déjà effleuré le sujet dans plusieurs billets précédents, notamment dans mon texte sur la Calibre 89 de Patek Philippe. Je me permets de me citer. Cette merveille de technique horlogère est dotée de 33 complications, dont : 
  • les phases de la lune
  • l'heure du lever du soleil
  • un thermomètre
  • une carte du ciel (au-dessus de Genève!)
  • un indicateur des années bissextiles
Les montres électroniques modernes, comme les Casio G-Shock, vous offrent elles aussi un nombre impressionnant de "complications". La Mudmaster GWG-1000, par exemple, offre les fonctions suivantes :
  • fonctionnement solaire
  • réception de signaux radio
  • boussole
  • altimètre et cumul des altitudes
  • thermomètre
  • fuseaux horaires
  • compte à rebours
  • alarmes (5 alarmes indépendantes)
  • chronomètre
  • indicateur de réserve de batterie
Ah oui, et elle affiche l'heure aussi!! Bien que les montres électroniques de ce type soient de belles réalisations techniques, je crois que rien n'approche le raffinement et la prouesse exhibée par les montres mécaniques avec des complications.

Les plus communes sont les suivantes : la date (souvent avec le jour de la semaine), les chronographes, l'aiguille additionnelle pour un second fuseau horaire (la fonction dite "GMT"), la réserve de marche pour une montre automatique et le sous-cadran qui affiche les phases de la lune. À propos de cette dernière complication, il faut bien distinguer les montres qui montrent le cycle lunaire complet de 29 jours, 12 heures, 44 minutes et 2 secondes (ce qu'on nomme une "révolution synodique de lune") des montres qui font simplement alterner en 24 heures le soleil et la lune sur un petit sous-cadran. 

Cette montre dispose d'une aiguille supplémentaire (celle avec le bout rouge)
qui sert à donner l'heure sur un autre fuseau horaire.
Source : François Cartier
Une montre à mécanisme automatique avec une réserve de marche de 42 heures
(petit cadran semi-circulaire en bas à gauche).
Source : www.montres-de-luxe.com


Une Jaeger Le Coultre avec CINQ complications : les phases de la lune, une réserve de marche de 40 heures,
 le jour de la semaine, le mois de l'année et la date (indiquée par l'aiguille au bout en croissant rouge)
Source : www.ask-men.com
Toutefois, les complications en horlogerie représentent beaucoup plus que l'ajout d'un chronographe ou d'une réserve de marche. Par exemple, pour les montres à chronographes, certaines sont dotées d'une aiguille "rattrapante". Il s'agit d'une seconde aiguille qui est superposée à celle du chronographe. Lorsque le chronographe est activé par un bouton poussoir, les deux aiguilles s'actionnent et restent superposées. La pression d'un second poussoir arrête la rattrapante, alors que l'aiguille du chronographe poursuit sa course. Une fois la lecture du temps faite sur la rattrapante, une seconde pression du poussoir spécial ramène la rattrapante au-dessus de l'aiguille du chronographe. De nouveau superposées, les deux aiguilles poursuivent alors leur course. Ce type de complication est très utile pour les compétitions où il y a plusieurs athlètes à chronométrer.

Une IWC avec chronographe à rattrapante. La trotteuse et la rattrapante du chronographe de cette montre                        sont les deux aiguilles minces de couleur bleue.
Source : iwatches.review

Un autre exemple de complication plus raffinée : le tourbillon. Il s'agit d'une invention de l'horloger Abraham-Louis Breguet (1747-1823). Les horlogers savent depuis longtemps que les changements de position d'une montre, soit dans notre poche ou sur notre poignet, affectent sa précision. En effet, les petits changements de gravité que causent nos mouvements déséquilibrent le balancier de la montre. L'image ci-dessous illustre l'influence de la position de l'échappement (et de la gravité) sur sa vitesse :

Source : www.wikipedia.com / Fulvio314

Pour contrer cet effet, Breguet invente le tourbillon. Il s'agit d'un système qui permet au balancier de la montre de se déplacer et de faire un tour par minute, minimisant ainsi l'effet gravitationnel et favorisant une plus grande précision de la montre. La vidéo ci-dessous montre comment le balancier fait une rotation (source : Youtube) :


Les horlogers ont même poussé le principe plus loin en créant des tourbillons qui pivotent sur trois axes! Cette montre de Girard-Perregaux, lancée en 2014, est tout simplement renversante (source : Youtube) :



En terminant, si vous voulez en savoir plus sur les différentes complications horlogères, elles sont très bien expliquées sur le site horlogerie-suisse.com.




samedi 12 août 2017

La montre de la semaine

La Max Bill de Junghans



Dans l'histoire, plusieurs designers de renom ont contribué à l'élaboration de produits manufacturés. Ce type de collaboration nous a amené des pièces parmi les plus emblématiques du desing au XXe siècle.

Par exemple, la compagnie Olivetti, surtout connue pour ses machines à écrire, collabore régulièrement avec des créateurs tels que Le Corbusier. La "Valentine" est une de leurs dactylos les plus connues, créée par le designer italien Ettore Sottass.





La Valentine de Olivetti, datant de 1969.
Source : https://italiandesignagency.com


Pour sa part, Alessi, un producteur italien de produits de cuisine, fait appel à l'architecte américain Michael Graves pour créer le design d'une bouilloire. Cette dernière devient rapidement une icône du design post-moderne et se vend encore aujourd'hui.

La bouilloire Michael Graves de Alessi. Cette création, datant de 1985
est devenue le meilleur vendeur de tous les produits Alessi!
Source : http://ca.complex.com/
Pour un dernier exemple, qui d'autre que le célèbre Philippe Starck. Ce dernier créé un grand nombre de produits pour le grand public, ce qu'il appelle le "design démocratique". Une de ses plus célèbres création est la chaise Louis Ghost, une chaise transparente en plastique inspirée de l'époque Louis XVI. 
La chaise Louis Ghost de Philippe Stark.
Source : http://boutique.deco-interieure.com
Tout ceci m'amène à ma montre de la semaine. Vous le devinez: il s'agit d'une montre créée par un designer de renom. Il en existe plusieurs dans l'histoire du XXe siècle, mais celle qui a retenu mon attention est devenue, un peu comme la chaise de Stark, une icône dans son domaine. 

Il s'agit de la montre Max Bill de la firme horlogère allemande Junghans. Max Bill (1908-1994) est originaire de Suisse. Il est architecte, artiste, peintre et designer. Il est un adepte du mouvement du Bahaus, qui privilégie entre autres la simplicité, les formes épurées et la fonctionnalité. En architecture, le Bahaus s'exprime dans le Style international (petite note personnelle : ma demeure, à Montréal, bien que modeste, est justement inspirée de ce mouvement).

Max Bill, vers la fin des années 1940.
Source : http://originalmaxbilljunghans.blogspot.ca
La compagnie Junghans possède un riche héritage. Fondée en 1861 par Erhard Junghans, la compagnie produit des montres-bracelet depuis 1926. Au cours des années 1950, Junghans désire s'associer avec un designer pour la création de ses pièces horologiques. Leur choix s'arrête sur Max Bill. Ce dernier, fasciné par le temps, accepte la proposition et inaugure son partenariat avec cette très belle horloge murale de cuisine datée de 1956 :

Source : Wikimedia commons / Christos Vittoratos

Cinq ans plus tard, Junghans lance une nouvelle série de montres créées par Max Bill. Mêlant style et simplicité, on les désigne comme de fidèles héritières de l'esthétique Bahaus. Chose certaine, elles affichent une apparence très typée, elle-même inspirée de la fameuse horloge de cuisine de 1956.

Un extrait du catalogue de la compagnie Junghans de 1962 où sont illustrées les montres Max Bill.
Source : http://originalmaxbilljunghans.blogspot.ca

Un lot de montres Max Bill de Junghans datant des années 1960.
Source : http://originalmaxbilljunghans.blogspot.ca
Avec le regain de popularité actuel du look "vintage", la Max Bill demeure très populaire encore aujourd'hui. Ceci est notamment dû au fait que Junghans a choisi de ne pas changer l'apparence de la Max Bill dans ses nouvelles itérations modernes, à preuve cette image de la Max Bill Silver Dial Ref. 3500 et la Max Bill Chronoscope, deux modèles disponibles de nos jours :

Source : http://wornandwound.com
Vu qu'il s'agit d'une montre de designer, son prix est assez salé. La version au quartz se détaille à un peu plus de $500 (US), tandis que la montre équipée d'un mouvement mécanique (automatique) est offerte à un peu moins de $1000 (US). Si la version à chronographe vous intéresse, attendez-vous à une facture de $1800!

Par contre, et heureusement pour ceux qui n'ont pas des fortunes à consacrer à ces belles montres, certaines compagnies horlogères proposent des modèles inspirés par les créations de Max Bill. Un bon exemple est la "Bahaus" de Junkers, une autre firme allemande (j'ai déjà parlé de Junkers et de sa "Iron Annie" dans un billet précédent). Comme Junghans, Junkers propose aussi des versions au quartz et automatiques de ses modèles Bahaus, mais à des prix moindres. Ainsi, la montre que vous voyez ci-dessous (mouvement au quartz) se détaille à $259 (US) :


La Bahaus de Junkers.
Source : www.longislandwatch.com
La ressemblance à la Max Bill est à s'y méprendre! Comme cette dernière, on y voit un cadran très épuré, le nom juste sous les 12 heures, de même que la très évidente vitre bombée. Seuls l'emblème de Junkers, juste en haut des 6 heures, et le guichet pour la date, viennent s'ajouter au design du cadran. Certains critiques reprochent à cette montre de montrer explicitement le terme "Bahaus" sur son cadran, ce qui selon eux est justement l'antithèse de la philosophie Bahaus! Selon moi, ceci ne diminue pas l'intérêt de cette montre. Le seul facteur qui me ferait pencher pour la plus onéreuse Max Bill est justement la riche histoire qui l'accompagne!


mardi 23 mai 2017

Les montres dans l'histoire

Les "Radium Girls"

Non, "Radium Girls" ne correspond pas à une collection spéciale de montres techno contenant du radium! Pour ce billet, je veux parler d'un triste épisode de l'histoire du début du 20e siècle. C'est une histoire de femmes et de montres, une histoire de grosse industrie, d'avocats et de droits des travailleuses. C'est aussi l'histoire de la découverte d'une nouvelle substance qu'on met en marché comme un produit miracle.

Le 26 décembre 1898, Pierre et Marie Curie annoncent la découverte d'un nouvel élément : le radium. Il s'agit d'un métal très radioactif présent en faible quantité dans le minerai d'uranium. Cette découverte, de même que d'autres travaux, vaut au couple Curie un Prix Nobel de physique en 1903. 

Le radium est rapidement utilisé pour la "curiethérapie", le traitement des tumeurs en y injectant du radium. Bien que la méthode finit par être abandonnée, il s'agit là d'une forme primitive de la radiothérapie moderne. 

On découvre aussi que le radium est luminescent. En 1902, un inventeur américain du nom de William J. Hammer rapporte de Paris un échantillon de sels de radium que les Curie lui ont remis. Il mélange ces sels avec de la colle et du sulfite de zinc. Le résultat : une peinture qui luit dans le noir! C'est cette recette que perfectionne quelques années plus tard la US Radium Corporation pour développer la peinture luminescente "Undark".


Dans les manufactures de la compagnie, on peint les chiffres sur les cadrans de montres qui sont surtout destinées aux armées américaines envoyées en Europe pendant la Première Guerre mondiale. La compagnie utilise aussi le Undark pour divers objets domestiques, comme les numéros des adresses des maisons, des couvercles d'interrupteurs ou même les yeux de poupées (de quoi donner des cauchemars aux enfants!!). 


Nous sommes alors vers la fin de la décennie 1910 et les dangers de la radioactivité commencent à peine à être compris. On assure toutefois aux clients que les objets sont traités avec une quantité inoffensive de matière radioactive, ce qui était vrai. Même les montres traitées au radium étaient relativement inoffensives.

Pour les centaines de femmes qui travaillent dans les manufactures de la US Radium Corporation, c'est une toute autre histoire. Les montres doivent être peintes avec minutie. Les chiffres et autres indicateurs des cadrans sont minuscules. Il faut donc du doigté, mais aussi de petits pinceaux bien pointus pour y appliquer la peinture luminescente. Toutefois, après quelques applications, les poils des pinceaux perdent de leur précision. Le truc pour leur redonner forme : les passer entre les lèvres en les humectant un peu avec la langue!

Un cadran d'une horloge traité au Undark.
Source : www.messynessychic.com

On devine donc qu'à chaque "mise en bouche", les femmes absorbaient un peu de radium (le Undark n'avait aucun goût). Une seule fois, ça va. Mais ce geste, répété des centaines de fois par quart de travail, créait une inquiétante accumulation de radium dans le corps des ouvrières. Les scientifiques qui produisent le Undark pour la US Radium connaissent les dangers du radium. Eux-mêmes se protègent avec des vêtements en plomb. Mais on assure aux femmes sur la chaine de production que les quantités de radium auxquelles elles s'exposent sont si négligeables qu'il n'y avait aucun danger. Le produit allait seulement leur donner "de belles joues roses"!! En fait, à la fin de leurs quarts de travail, une faible luminosité verdâtre émane de ces jeunes femmes! On les surnomme à juste titre les "Ghost Girls", les femmes fantômes.

Une des usines de la US Radium Corporation, vers 1920.
Source : Wikipedia
Il faut noter que le radium est devenu, dès le début du 20e siècle, un de ces nombreux produits auxquels on attribue des vertus miraculeuses. Non seulement n'est-il pas dangereux en petites quantités, mais il possède même, dit-on, des propriétés miraculeuses! On retrouve donc sur le marché toute une panoplie de produits domestiques "radiumisés" : de l'eau en bouteille, du beurre, du rouge à lèvres et même du dentifrice! 

Du rouge à lèvres au radium.
Source : www.messynessychic.com
Et pourquoi pas un peu de beurre au radium?
Source : www.theatlantic.com
Heureusement, ces produits sont aussi inoffensifs qu'inefficaces. Malheureusement, tel n'est pas le cas pour les travailleuses de la US Radium Corporation. On les a si bien rassurées qu'elles mettent même de l'Undark sur leurs ongles et leurs dents pour surprendre leurs copains une fois la noirceur venue! 

Or, ces femmes, qui peignent environ 250 montres par jour (pour 27 cents par montre, en argent d'aujourd'hui) commencent à tomber malades. Elles ont surtout des problèmes avec leurs os : des dents commencent à tomber, des os des jambes se brisent sans raison, leurs mâchoires se désintègrent. On découvre plus tard que le radium, de par ses propriétés, s'accumule surtout dans les os, d'où ces mystérieux symptômes. Les femmes développent aussi des tumeurs un peu partout sur leur corps. Mis simplement, le radium est en train de les ronger tranquillement de l'intérieur! 

Bien que les femmes commencent à associer leurs symptômes à leur travail, les docteurs de la US Radium Corporation sont rassurants : elles sont en parfaite santé! Toutefois, en 1924, lorsque les ouvrières commencent à dénoncer publiquement la compagnie, un rapport est commandé par le directeur de la compagnie. L'année suivante, quand le lien est établi entre le radium et les maladies des ouvrières, le président de la compagnie est furieux. Il fait produire de nouveaux rapports fortement biaisés qui lavent la US Radium Corporation de tout soupçon.

Le radium commence à susciter des craintes.
Source : Pinterest
Pourtant, les chiffres sont éloquents et démontrent la mauvaise foi de la compagnie : entre 1917 et 1926, la US Radium Corporation embauche 70 ouvrières du New Jersey pour une de ses usines. De ce nombre, 50 décèdent des suites de leur contact répété avec le radium.

En 1927, cinq de ces ouvrières, menées par Grace Fryer trouvent un avocat afin de poursuivre la US Radium. Il leur a fallu deux ans pour trouver quelqu'un prêt à les défendre! Mme Fryer avait été embauchée en 1917 à l'usine de Orange, au New Jersey. En 1922, elle commence à perdre ses dents et à voir les os de sa mâchoire se fragiliser. Quand s'ouvre le procès, elle est déjà très malade.

Grace Fryer, avant de devenir malade.
Source : www.findagrave.com
La presse s'empare de l'affaire. On surnomme les femmes de l'usine d'orange les "Radium Girls". On dit qu'en cour, elles sont trop faibles pour lever le bras pour prêter serment. De son côté, l'employeur tente de prolonger le procès, probablement dans le but funeste de voir les femmes mourir avant la fin des procédures. Les femmes, mourantes, acceptent donc un règlement hors-cours d'une valeur de $100,000, en plus de voir leurs frais médicaux couverts par la US Radium Corporation. La dernière des Radium Girls meurt deux ans après le fin du procès.

Cette cause amène ensuite des travailleuses provenant d'autres usines à dénoncer leur employeurs. Même dans les années 1930, des femmes empoisonnées par les radiations doivent encore se rendre en cour. Une de ces ouvrières, Catherine Donohue (née Wolfe), développe une tumeur de la grosseur d'un pamplemousse près de ses hanches. Alors qu'elle est mourante, elle témoigne de son lit et gagne son procès. 

Catherine Donohue témoignant depuis son lit.
Source : medhistory101.tumblr.com
Peu après, on met en place des mesures de sécurité et on crée la Occupational Safety and Health Administration aux États-Unis afin de protéger les travailleurs et travailleuses dans leur milieu de travail. Pour sa part, le radium n'est interdit qu'en 1968. En effet, la US Radium Corporation continue à utiliser le radium dans ses manufactures pour traiter les montres, mais des mesures de travail beaucoup plus strictes font en sorte que personne ne tombe malade par la suite.

Bien que de façon indirecte (et peut-être à cause d'elles), les montres sont donc à l'origine de l'amélioration des conditions de travail de plusieurs générations d'Américains. On dit que celles qui y ont contribué, les "Radium Girls", émettent même aujourd'hui une faible lueur verte depuis leur tombes!



P.S. : rassurez-vous, les montres d'aujourd'hui sont traitées avec des substances non-radioactives, comme le LumiNova et le Super LumiNova, qui est composé de pigments qui absorbent la lumière et émettent un lueur dans le noir.

P.P.S. : ça me fait penser que je devrais quand même faire vérifier mes vieilles montres russes des années 1960-70 avec un dosimètre. On ne sait jamais!

P.P.P.S. : si vous voulez en apprendre plus sur cette histoire, un ouvrage a récemment été publié sur le sujet : http://www.theradiumgirls.com


dimanche 21 mai 2017

La montre de la semaine

Des jumelles russes!

Oui, je sais, mon titre ne fait aucun sens! Ma montre de la semaine est.... des jumelles? Et Russes de surcroît? Non, je n'ai pas perdu la tête. Pour ma montre de la semaine, j'ai choisi deux montres, mais qui en fait n'en sont... qu'une seule!

Bon, j'arrête mes détours! Je vous présente mes Raketa vintage, en version noire et en version blanche/argentée :
Mes jumelles russes. Photo : François Cartier
Il s'agit en effet du même modèle, mais en deux versions. C'est une petite gâterie que je me permets aujourd'hui. Je vous présente deux montres dont j'ai fait l'acquisition récemment. La noire a été la première à s'ajouter à ma collection, à la fin de l'hiver. Puis, j'ai vu la blanche sur eBay il y a quelques semaines. J'ai sauté sur l'occasion de l'acquérir pour ainsi avoir le "Ying" et le "Yang" dans ma collection!!

Les deux montres datent des années 1960-1970. Pour leur âge, elles sont en bonne condition. Elles fonctionnement à merveille et tiennent très bien l'heure. Les deux éléments qui m'ont fait craquer sont les secondes qui tournent sur le petit cadran au-dessus du "6 heures", de même que le style des chiffres qui fait très "vintage" (ou, si on veut, très "sixties"!).



Le seul élément qui m'a préoccupé quand j'ai comparé les montres : les deux couronnes (les boutons servant à remonter la montre et à régler l'heure). Elles sont à l'évidence différentes, ce qui voulait sans doute dire que la mécanique des deux montres était différente. J'ai ouvert les deux pour constater que c'était le cas :

Le mouvement de la montre noire est un calibre 2603 (on voit les chiffres en haut) à 16 "rubis". Il s'agit d'un des mouvements de montres les plus répandus en URSS qui était apparemment très fiable et très robuste. Il est doté d'un système de résistance aux chocs, comme on le voit sur cette image rapprochée, car la pièce dorée au centre de la roue du balancier n'est pas ronde, mais en forme de lyre :



Le mécanisme de la montre blanche est aussi issu de l'URSS, à la différence qu'il est produit par Pobeda (qui veut dire "Victoire" en russe), une marque sortie de la même usine que les Raketa. Il s'agit probablement du calibre 2602. Le nom "Pobeda" avait été choisi par Staline lui-même en 1945 suite à la victoire sur les Nazis. C'est un mouvement de 15 rubis sans résistance aux chocs. 

Les deux montres sont toutes deux sorties de l'usine de Petrodvoretz, située à Saint-Petersbourg. Cette usine, fondée par Pierre de Grand, existe depuis 1721! Les mouvements différents indiquent peut-être qu'elles sont sorties des lignes de montage à deux moments différents.

En passant, la marque Raketa est créée en 1961 en l'honneur du vol historique de Yuri Gagarin ("Raketa" veut dire "fusée" en russe). Aussi, vu que le cadran des deux montres indique "Made in USSR", il s'agit de montres créées pour l'exportation. Les montres conçues pour le marché domestique (soviétique) ont l'inscription en alphabet cyrillique (Сделано в СССР).

Au final, ce sont deux montres relativement modestes. Toutefois, elles sont sorties d'une usine historique et ont le mérite d'y avoir été conçues de A à Z, ce que peu de marques de montres peuvent se vanter. En ce qui me concerne, elles ont aussi l'ait très cool!!


 

samedi 15 avril 2017

De la camelote horlogère de Chine?

Une expérience d'achat en ligne


Vous savez comment vous achetez, disons, un tournevis sur Internet et comme par magie des publicités de tournevis se mettent à apparaître sur votre fil de nouvelles Facebook? Eh bien, je ne surprendrai personne si je dis que je vois passer des tonnes de publicités de montres sur mon Facebook. 

Ne reculant devant rien, chers lecteurs, je tente donc pour vous une expérience d'achat en ligne! Voici l'annonce sur laquelle j'ai cliqué :




Cette publicité nous mène sur le site de GearBest, une compagnie de vente en ligne basée à Shenzhen, en Chine. En effet, bien que l'entreprise se dit basée en Angleterre, GearBest.com appartient à une entreprise du nom de Shenzhen Globalegrow E-commerce Co. Limited. Une sorte de Amazon chinois, quoi! La montre "en vente" est la suivante :





Il s'agit d'un modèle "chronomètre" au quartz de marque Megir. Le prix : un incroyable  $13 CAN!!  Je viens donc de commander ladite montre, surtout par curiosité, mais aussi pour me donner du bon matériel pour un billet où je vous présenterai mon acquisition! 

Ma décision de choisir cette montre est aussi due, je dois l'avouer, à la promotion hilarante GearBest  (les commentaires sont de moi; voyez l'annonce originale ici ) :








Je vous tiendrai donc au courant de la suite de ce petit test quand la montre sera entre mes mains. Malgré les évidentes erreurs de traduction dans les captures d'écran ci-dessus (et la qualité douteuse de certaines de leurs produits), GearBest est un site légitime où on trouve de bons produits à des prix intéressants. 

Reste à voir si cette règle s'applique à cette montre!

mercredi 12 avril 2017

Les montres dans l'Histoire

Le soldat aux deux montres


Après avoir démarré un premier segment spécial dans mon blogue que je tenterai de publier une fois par semaine ("La montre de la semaine"), j'en lance un second qui me permet de combiner mon intérêt pour les montres et pour l'Histoire. Voici donc (rrrrroulement de tambour!) Les montres dans l'Histoire!! Du début de la montre-bracelet (voir mon second billet) jusqu'à aujourd'hui, je veux présenter certains moments historiques où les montres étaient présentes, ou bien certaines anecdotes originales ou amusantes.

Je vous présente donc aujourd'hui l'histoire d'une célèbre photographie de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle montre un soldat soviétique qui installe un drapeau de l'URSS sur le toit du Reichtag, le parlement allemand, le 2 mai 1945. Les Soviétiques viennent de capturer Berlin, amenant la reddition des Nazis et la fin de la fin de la guerre en Europe.

Un soldat de l'Armée rouge installant le drapeau soviétique sur le Reichtag à Berlin.
Source : http://rarehistoricalphotos.com
Cette photo est une des images de guerre les plus connues. Inspirée d'une photographie similaire prise quelques mois plus tôt par les forces américaines dans le Pacifique (pour marquer la prise de l'île de Iwo Jima aux Japonais), elle est l'oeuvre du photographe ukrainien Yevgeny Khaldei.

La photo célèbre du drapeau des États-Unis hissé sur Iwo Jima.
Source : www.wikipedia.com/Joe RsenthalThe Associated Press
En fait, la photo de Khaldei est une mise en scène (tout comme celle des Américains, par ailleurs!). Le Reichtag avait été capturé le jour précédent. Khaldei, qui s'était rendu à Berlin avec un drapeau soviétique géant, veut mettre en scène une image forte et symbolique pour l'empire soviétique. La propagande, surtout dans la victoire, est un outil de prédilection en temps de guerre!

Mais pourquoi parler de cette image dans un blogue de montre? Vous aurez la réponse en regardant non pas le soldat qui tient le drapeau, mais celui qui lui agrippe la jambe. Si on regarde bien, l'homme en bas à droite porte une montre à chaque poignet!



Ce détail en apparence anodin est lourd de sens. Quand les censeurs de l'Armée rouge voient la photo, ils demandent à Khaldei de la retoucher afin de faire disparaitre une des montres du soldat. Le leader sociétique, Joseph Staline, n'était pas dérangé par le fait que ses soldats tuent ou violent des civils pendant les hostilités. Mais il leur interdisait formellement de se livrer à des pillages.

Or, il était connu que les soldats soviétiques avaient une fascination pour les montres. Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les montres étaient des items de luxe relativement rares pour le commun des mortels en Union soviétique. Il n'était donc pas inhabituel de voir des soldats en porter plusieurs à la fois.

L'image du soldat aux deux montres serait donc mal vue si elle était publiée en Union Soviétique ou ailleurs. De plus, le soldat en question aurait pu être condamné et envoyé au goulag! Khaldei s'est donc exécuté et a fait disparaitre une montre, tout en ajoutant certains éléments dramatiques à sa photo, comme plus de fumée en arrière-plan et l'illusion que le drapeau flotte au vent.

Les deux versions de la photo côte à côte. Dans la version retouchée, à droite, une montre a disparu!
Source : http://rarehistoricalphotos.com

Un des magazines où fut publiée la fameuse photo.
Source : http://rarehistoricalphotos.com
Certains affirment toutefois que le soldat ne portait pas une deuxième montre, mais plutôt une boussole militaire de type Adrianov. Cette boussole pouvait effectivement se porter au poignet et faisait partie de l'équipement standard des soldats soviétiques.

Une boussole de type Adrianov. Source : http://www.soviet-power.com

La photo témoigne donc d'une de deux choses : le port de l'équipement régulier par un militaire soviétique, ou bien le résultat d'un pillage. La question ne sera probablement jamais résolue de façon absolue, mais selon moi, on voit deux montres sur la photo non-retouchée. Un compas, me semble-t-il, aurait eu l'air beaucoup plus gros au poignet du soldat. Un plan rapproché de la photo (ci-desosus) révèle bien deux montres. À vue de nez, celle de droite doit avoir entre 30 et 35mm de diamètre, alors que celle de gauche est un peu plus grande, peut-être 40mm de diamètre. De plus, les deux montres semblent être assez minces. On est donc loin d'un compas, dont la diamètre est d'environ 50mm!



Au final, nous avons devant nous une tentative par Staline et ses censeurs de camoufler les pillages commis par ses soldats. Un bien triste constat!


mercredi 5 avril 2017

L'anatomie d'une montre

Comme dans tous les secteurs de l'activité humaine, l'horlogerie a développé une terminologie bien spécialisée. Le monde des montres a donc son propre vocabulaire. Voici les termes associés aux principales parties externes des montres modernes :

Photo et légendes : François Cartier

  • La corne est la partie de la montre qui sert à attacher le bracelet. La fixation se fait normalement avec de petites barrettes qu'on appelle aussi des "pompes".
  • La lunette est un anneau qui fait la jonction entre le boitier et le verre de la montre. La lunette est souvent graduée et elle peut être mobile (notamment dans les montres dites "de plongeurs".
  • Les petites secondes, dans le cas de la montre illustrée, sert à marquer les secondes (la grande aiguille des secondes [en rouge] est plutôt mise en fonction lorsqu'on active le chronomètre).
  • Les registres du chronomètre sont les petits cadrans qui sont utilisés par le chronomètre. Dans le cas présent, les minutes [cadran du bas] et les vingtièmes de secondes [en haut].
  • Le rehaut est la partie circulaire qui relie le cadran de la montre au verre. Comme la lunette, il est parfois gradué ou porte des inscriptions.
  • Le poussoir est un bouton qui est généralement utilisé pour actionner et contrôler le chronomètre, quoiqu'il peut aussi avoir d'autres fonctions. 
  • La couronne sert soit à remonter la montre (dans le cas de montres mécaniques) ou à ajuster l'heure sur la montre. Certaines couronnes sont visées à l'intérieur du mouvement de la montre.
  • La date est souvent affichée sur le cadran des montres, la plupart du temps dans la partie droite du cadran. On la voit généralement à la position de 3 heures, mais aussi à 4, 5 et 6 heures. L'ouverture qui sert à montrer la date se nomme le guichet.
  • L'index représente les inscriptions situées sur le pourtour du cadran de la montre servant à afficher les heures ou minutes. Des chiffres sont généralement utilisés, mais il peut s'agir de marques ou de lignes graduées. 
  • L'entrecorne est l'espace situé entre les deux cornes du boitier. Elle sert à déterminer la largeur du bracelet.

En fonction du type de montre, certaines des parties énumérées ci-haut peuvent ne pas être présentes. De plus, la créativité et la fantaisie des créateurs de montres nous offrent souvent des agencements allant du très simple au plus chargé. Quelques exemples :

L'affichage des jours de la semaine sur cette Avi-8 se
fait grâce à une bande trouée verticale.
Source : François Cartier

Un cadran dépouillé, sans date ni jour, est souvent
l'apanage des montres dites "habillées".
Source : François Cartier

Une montre russe de marque Raketa avec un calendrier
perpétuel, de même que le jour et la date dans un guichet
"à 3 heures".
Source : http://forums.watchuseek.com

L'ajout de certaines fonctions sur les montres (chronographes, calendriers, phases de la lune, etc.) sont nommées des "complications". Ceci sera le sujet d'un futur billet sur ce blogue. À bientôt!